TELERAMA : VALENTIN SILVESTROV / BORIS BERMAN

En soixante ans d’écriture musicale, Valentin Silvestrov a fait nettement évoluer le style de ses pièces pour piano, depuis un avant-gardisme de jeunesse empruntant au dodécaphonisme jusqu’à une forme de néo-post-romantisme ancré dans la mélodie et la tonalité.

Dans la monographie qu’il lui consacre, le pianiste russe Boris Berman, vieil ami du compositeur ukrainien, s’attache à montrer qu’il n’y a pas de véritable césure dans ce retour vers le passé. Le même Silvestrov aura affiché de longue date son goût pour la petite forme, la miniature, autrement dit la bagatelle — dans tous les sens du terme. Et mis à l’épreuve les formes traditionnelles, pour mieux les subvertir dans le cas de sa turbulente Triade, commencée en 1961, comme de la Sonate n° 3 de 1979, avec sa fugue à peine identifiable. Mais aussi pour les assumer jusqu’au bout, qu’il s’agisse de la Kitsch-Musik concoctée dès 1977, des Five Pieces de 2021 ou des Three Pieces terminées en mars 2022 dans l’exil berlinois, dédiées à Berman, et enregistrées sur ce double album en première mondiale.

Autres récurrences, le refus de toute brutalité (l’instrument n’est jamais maltraité), ainsi qu’une mélancolie foncière, dont l’intensité ne cessera de croître. Ce portrait sensible se referme ainsi sur une pastorale d’un pessimisme lumineux. — S.Bo.