La première fois que j’ai croisé le nom de ce label français dans mes lectures, j’étais un peu sceptique : était-ce par humour, autodérision, désir de se singulariser, prétention ? Mais au fur et à mesure de constater le nombre de fois que les critiques de plusieurs magazines témoignaient de leur admiration pour leurs productions, je décidai de voir par moi-même si cette très bonne réputation était complaisante, chauvine, ou au contraire judicieuse, pertinente, pleinement méritée.
Le Palais des Dégustateurs a produit 35 albums mais certains titres ont été volontairement retirés de leur catalogue parce que considérés, avec le recul, en dessous du niveau d’excellence qui s’est accru remarquablement depuis l’année de sa fondation en 2013 par son actuel producteur Éric Rouyer.
Suite à l’acquisition d’une dizaine d’albums, j’y ai découvert d’une part du répertoire souvent hors des sentiers. Rares sont les versions de sonates pour violoncelle et piano de Ropartz, Magnard, Schmitt. Ajoutons la première mondiale des Trois pièces pour piano de Valentin Silvestrov écrites pendant l’exil du compositeur ukrainien de Kiev vers Berlin en mars 2022. Par ailleurs, on retrouve en première mondiale les trois mouvements du Trio K. 442 de Mozart finalement achevés par l’expert et pianiste Robert Levin. Je pourrais en citer encore de ces albums qui recèlent de perles rares que contient ce jeune catalogue.
D’autre part, des artistes remarquables, certains célèbres (dont la violoniste Hilary Hahn « pour la première fois dans un label indépendant », le pianiste Boris Berman, Peter Wiley le violoncelliste du Trio Beaux-Arts, le Quatuor Béla) mais aussi quelques-uns injustement négligés (le violoncelliste Alain Meunier, les pianistes Dominique Merlet et Jean- Claude Vanden Eynden).
D’ailleurs, l’aventure du label a commencé lorsque des artistes français furent invités à jouer lors de dégustations de vins dans des restaurants. C’étaient des musiciens que le « petit monde musical négligeait et [leur] refusait toute nouvelle opportunité. » Graduellement, et « de façon inattendue », de grandes figures internationales se sont ralliées à Éric Rouyer parce qu’elles y ont vu, dans la mission et les standards qu’il s’était fixé, un ensemble de valeurs humaines qui leur ont apporté « des motivations inhabituelles et rassurantes. »
Pour finir, j’ai pu apprécier des produits très soignés tant pour l’enregistrement, notamment d’un naturel très agréable dans la musique de chambre, que pour l’intérêt des livrets hautement informatifs.
J’affirme donc que ce label se caractérise par toutes les qualités que procure l’indépendance : un courage éditorial du choix artistique où la sincérité et la qualité priment très loin au-dessus de la vulgaire recherche du profit mercantile. À mon avis, sa réputation de label de qualité supérieure est pleinement justifiée.
Guy Sauvé
Février 2024