10 octobre 2021 —— Jean-Marc Warszawski.
Schumann – Liszt, les ombres lumineuses de Jean-Claude Vanden Eynden
Schumann – Liszt, Jean-Claude Vanden Eynden, Robert Schumann (Fantaisie opus 17), Franz Liszt (Sonate S. 178, en si mineur). Le Palais des dégustateurs 2021 (PDD 024).
Enregistré les 6-9 janvier 2020, la Goillote, Vosne-Romanée.
Jean-Claude Vanden Eynden nous concentre sur la musique, pas sur sa personne. Même quand il se fracasse les neurones sur les ruades en vagues et l’accumulation de tout ce qui est impossible à jouer des pièces pour piano de Charles Valentin Alkan, rien ne force, rien ne cogne, tout s’articule, sans un gonflement de biceps ou une goutte de sueur ou une crispation de douleur. C’est médiatiquement décevant. Musicalement une référence.
Élève d’Eduardo Del Pueyo, il est lauréat du Prix reine Élisabeth à l’âge de seize ans et sera un professeur recherché au Conservatoire royal de Bruxelles. Son jeu élégant, phrasé et précisément accentué, laissant leur part à la lumière et au silence, semble avoir été fabriqué pour Haydn ou Mozart, mais c’est plutôt vers les romantiques et successeurs, notamment français, mais aussi belges, que ses doigts accrochent, avec en 1980 une intégrale des œuvres pour piano de Maurice Ravel. Et sa lumière traverse les épisodes sombres de la dignité romantique. Faire chanter la musique sans y rien forcer, rester dans le théâtre interne de sons (en donner l’illusion), embellit toute musique qui chante.
Ce qui est le cas pour cet enregistrement de deux œuvres qui se tendent les bras, que Robert Schumann et Franz Liszt se sont mutuellement dédicacés avec vingt ans d’écart : deux œuvres majeures du romantisme pianistique. On aime entendre, dans les trois mouvements de la Fantaisie de Schumann, une déclaration d’amour à Clara Wieck. La monumentale sonate en si mineur, de 1853, la seule sonate composée par Liszt, bien plus tourmentée, inquiétante, au lyrisme rayonnant constamment menacé, voire submergé par les forces de l’ombre, voire de la mort, peut faire écho au naufrage de Schumann dans la déraison. Il était déjà interné quand la partition lui fut envoyée.
Schumann (Études symphoniques) et Liszt (1er concerto), étaient déjà au programme de Jean-Claude Vanden Eynden en 1964, lors du Concours Reine Élysabeth qui a lancé sa carrière.
Un cédé qui mériterait de tourner sur scène, en public.
Franz Liszt, Sonate en si mineur, S 178, plage 4 (extrait).
Jean-Marc Warszawski
10 octobre 2021