musicologie.org : Guy Sacre : œuvres pour piano par Billy Eidi

Michaël Sebaoun
1er novembre 2022.
© musicologie.org.

Guy Sacre, œuvres pour piano, Billy Eidi (piano), Dernières chansons enfantines, Sonatine d’hiver, Sonatine de printemps, Sonatine d’été, Sonatine d’automne, Treize impromptus. Le Palais des Dégustateurs 2022 (PDDD28).

Enregistré en juillet 2021, à l’auditorium Marcel-Landowski, CRR de Paris.

« Pages musicales aux harmonies raffinées, brèves, mais denses, profondes, mais pudiques », écrit Robert Bared, à propos de la musique du compositeur français Guy Sacre (né en 1948).

« Écriture personnelle, univers en demi-teinte », ajoute Laurent .

Que l’on parcoure les mélodies du compositeur ou sa musique pour piano, on est de fait surpris et séduit par l’extrême cohérence du langage musical. Ce sont d’ailleurs les deux seuls domaines compositionnels connus du compositeur, qui fondent à la fois sa réputation et l’impression augmentée d’un monde artistique fermé sur lui-même.

Cette écriture si personnelle, le compositeur la résume ainsi: « ma musique est foncièrement polytonale, ou plutôt (et plus souvent) bitonale et bimodale, ce qui revient à dire, tout simplement: tonale » (Philippe Malhaire, Polytonalité, des origines au début du XXIe siècle, exégèse d’une démarche compositionnelle, octobre 2013).

Ce disque d’œuvres pour piano en sera une nouvelle illustration. Il prolonge notamment les Nouvelles Chansons enfantines (enregistrées chez Timpani et à l’écoute sur la chaîne YouTube du pianiste Billy Eidi), qui devraient marquer l’histoire de la musique tonale élargie.

Mélodies aux apparences de comptines, gaieté acide (fruit d’une bitonalité pratiquée « à la maigre », c’est-à-dire « avec le souci d’éviter autant que possible les doublures »), formes qui jubilent dans la répétition (de tradition européenne), polarisations (terme que le compositeur n’aime pas, trop approximatif selon lui), simplicité, ou virtuosité pianistique à taille humaine qui couvre le clavier en procurant l’étrange sensation de son rétrécissement : tout l’art de Guy Sacre, relié à l’art français selon le compositeur Nicolas Bacri, est dans les Dernières Chansons enfantines.

La Sonatine d’hiver, qui ouvre un cycle de quatre Sonatines (sur les quatre saisons), sonne comme un lointain rappel, dans son premier thème, de celle de Ravel, avec ses doubles croches limpides. L’acidité n’est plus de saison, mais la mélancolie. La Gigue du troisième mouvement précisera le goût du compositeur pour les degrés conjoints.

La Sonatine d’été, c’est peut-être les Jeux d’eau ou les Jeux d’eau à la Villa d’Este de Guy Sacre. Tandis que le second mouvement se pare des allures d’un cantique (Roberd Bared), le dernier alterne secondes martelées et chant dépouillé, dans une forme tripartite aux climats contrastés qu’affectionne le compositeur.

Un cycle de Treize Impromptus complète cet enregistrement. Malgré leur concision, ces impromptus pencheraient du côté du piano « pur », tandis que les Dernières Chansons enfantines laissent deviner le mélodiste impénitent qu’est Guy Sacre (plus de cent vingt mélodies dans son catalogue). Un beau disque, où le pianiste Billy Eidi déplie, un peu à la manière des Histoires naturelles de Jules Renard, un éventail de couleurs sèches et délicates à la fois.

Lien vers l’article original sur musicologie.org