Interview de Denis Havard de la Montagne sur Pizzicato

Votre père a composé dans beaucoup de genres de la musique classique, mais il semble avoir eu une préférence pour la musique vocale religieuse. D’où cela vient-il ?

Effectivement, s’il a toujours été attaché à la musique religieuse et à la musique vocale en général, cela vient du fait que depuis son plus jeune âge il chantait dans des chorales. Dès l’âge de 9 ans dans son collège de l’Institut Florimond du Petit-Lancy à Genève il faisait déjà partie d’une chorale avec laquelle il chantait notamment les Complies. En effet, à cette époque sa famille résidait à Genève, son père travaillant alors à la Société des Nations (ancêtre de l’ONU). Sa mère, pianiste et harmoniumiste amateur de bon niveau, dont une tante Inès de Payret (1867-1896) pianiste, alors âgée de 8 ans avait eu l’occasion de jouer à 4 mains avec Isaac Albéniz, lui-même âgé de 15 ans, à la Havane en 1875, lui donna ses premières leçons de musique. A la déclaration de la guerre, la famille dût revenir en France et c’est au collège du Sacré-Cœur de Charenton qu’il terminait ses études scolaires. Dans cet établissement parisien, les Offices étaient dignes d’offices pontificaux et l’on célébrait une grande liturgie quasi monacale servie par un chœur de jeunes qu’il avait intégré dès son arrivée. Cette schola était à cette époque dirigée par l’abbé Paul Vallet (un ancien de la Schola Cantorum), puis par le Père Jacques Delarue (1914-1982), futur 1er évêque de Nanterre en 1966, qui dispensait également des cours d’harmonium. Même s’il n’y avait pas d’enseignement musical approfondi parmi les cours dispensés, il y avait en revanche des répétitions de chant assez fréquentes au cours desquelles les élèves étaient notamment initiés au grégorien et aux polyphonies de la Renaissance. Plus tard, à l’Ecole supérieure de musique César Franck où il était entré en 1946, il découvrait avec les choeurs les Passions et les Cantates de Bach et eut l’occasion de participer à la création d’un Oratorio de Guy de Lioncourt.

Et pour résumer ses compositions, on peut les classer en plusieurs périodes : au début et durant une douzaine d’années, il écrit presque exclusivement pour la liturgie, puis, vers 1962 « dégouté » de poursuivre dans cette voie en raison des bouleversements de la liturgie intervenus avec Vatican II, il se tourne un temps vers la musique instrumentale écrivant pour le piano, l’orgue, le clavecin, la harpe, la guitare et quelques chansons profanes. C’est lors de sa nomination à La Madeleine en 1967 que lui revient le goût de composer pour la liturgie (des Répons, des messes et motets…) ainsi que de grandes œuvres religieuses pour soli, chœur et orchestre (Cantique de David, Magnificat, Ode à Sainte-Madeleine, Psaume 150, Complies, Office de Prime…)

Il était maître de chapelle et organiste dans plusieurs églises de moindre importance et puis, en 1967 il fut investi à l’Eglise de la Madeleine avec son magnifique grand orgue signé Aristide Cavaillé-Coll, où il restera pendant trente ans en tant que Maître de Chapelle, un poste que Gabriel Fauré avait occupé de 1877-1896. Quel rôle a-t-il joué dans cette église ?

 A son arrivée dans cette prestigieuse église (paroisse de l’Elysée), la Maîtrise se composait d’une quinzaine de chanteurs, la plupart d’excellents professionnels, et il se consacrait au début exclusivement à la musique proprement liturgique. La regrettée Jeanne Demessieux était alors titulaire du grand orgue. Ainsi, il s’insérait là dans une longue tradition musicale, qui, en dehors de Fauré déjà cité, fut maintenue au fil des décennies par d’illustres autres musiciens tels Théodore Dubois, Alexandre Lefébure-Wély, Camille Saint-Saëns aux postes d’organistes ou de maîtres de chapelle ; leurs assistants étant aussi de grande valeur : Eugène Gigout, Fernand de la Tombelle, Nadia Boulanger, entre autres. La bibliothèque musicale de cette église était imposante avec notamment des manuscrits de Fauré (un Benedictus inconnu qu’il ressuscita), Dubois, Saint-Saëns et de nombreuses partitions de Mozart, Haydn, Schubert, de compositeurs français du XIXe siècle et d’Italiens de la Renaissance. C’est lui qui y fit entrer davantage de classiques français, de baroques allemands et de contemporains, élargissant ainsi le répertoire de la Maîtrise, avec des œuvres principalement de dimensions liturgiques. Il arrivera plus tard à plus de huit cents titres permettant ainsi de renouveler les musiques des cérémonies et autres manifestations musicales.

Pour ce qui concerne les cérémonies religieuses, il avait toujours à cœur « de respecter les textes prévus dans la liturgie officielle et l’esprit de l’époque liturgique  » dans laquelle il vivait, prenant grand soin « de choisir des polyphonies en corrélation étroite avec l’esprit de la liturgie de la fête. » Parmi son important répertoire interprété au fil de l’année liturgique, il affectionnait plus spécialement les Messes de Gretchaninoff, Bruckner, Hadyn, Mozart, de Ranse, Wöss, Nibelle, Vierne, Gounod, Büsser, Hilber, Alain, Himmel, des Psaumes de Litaize, Samson, Roesgen-Champion, ou encore des motets de Vittoria, Duruflé, Poulenc, Delalande, Elgar, de Séverac, Schumann, Vivaldi, Fauré, Liszt, Franck… Il eut notamment l’occasion de diriger la musique aux obsèques de Cino Del Duca, Francis Bouygues, Tino Rossi, Michel Simon, Thierry Le Luron, Joséphine Baker…

En 1970, aidé de son épouse Elisabeth (organiste et claveciniste, décédée en 1980 à l’âge de 52 ans), il fondait « Les Choeurs de la Madeleine » composés d’une soixantaine de choristes avec lesquels il va donner de nombreux concerts et créer en 1974 des séries mensuelles, très prisées des parisiens : « Une heure de musique à La Madeleine ». Celles-ci attirèrent durant plus de deux décennies, entre 1974 et 1996, au cours de 237 concerts, attirèrent une foule d’amateurs de musique de tous bords et de tous âges ; 300 à 500 personnes assistaient en effet à ces concerts, voire davantage pour de grandes œuvres, tel le Requiem de Mozart ou celui de Cherubini (700 à 800 personnes). C’est lui-même qui dirigeait la plupart de ces concerts avec des solistes professionnels, parfois accompagnés des Chœurs, et de l’Ensemble instrumental de la Madeleine composé uniquement de musiciens professionnels ; d’autres concerts étaient animés par des formations extérieures invitées par ses soins. On lui doit ainsi d’avoir fait redécouvrir au public de nombreux chefs-d’œuvre, parmi lesquels le Requiem de Michaël Haydn, celui de Jean-Christian Bach et celui de Gounod dont il retrouva les partitions annotées de la main de Fauré, enfouies dans les caves de La Madeleine, le Stabat Mater de Schubert, les Sept Paroles du Christ en croix de Joseph Haydn, celles de Théodore Dubois, l’oratorio Christus de Mendelssohn, l’Oratorio de Pâques de Bach, la Passion selon Saint Jean de Haendel, la Passion selon Saint Marc de Perosi… Son action importante sur le plan musical dans cette église lui a valu sa promotion au grade de Commandeur dans l’Ordre pontifical de Saint-Grégoire-le-Grand (1995).

Denis Havard de la Montagne

Quelle était sa relation avec d’autres musiciens, p.ex. avec Olivier Messiaen ?

Organiste, chef de chœur et d’orchestre, maître de chapelle, compositeur, il eut d’excellentes relations professionnelles avec un grand nombre de musiciens, tant pour ses activités musicales dans les églises parisiennes que pour ses activités au sein de l’Union des Maîtres de Chapelle et Organiste (UMCO), dont il fut élu secrétaire général en 1960. Alors présidée par l’organiste, chef d’orchestre et compositeur Henri Büsser (1872-1973), qui avait pris la suite en 1936 de Charles-Marie Widor, cette organisation professionnelle rassemblait la plupart des musiciens ayant des activités au sein du monde religieux. C’est ainsi qu’il côtoyât, entre autres, Olivier Messiaen avec lequel il fut membre de la Commission de Musique Sacrée du diocèse de Paris dès sa création en 1964, aux côtés également de Gaston Litaize, Jean Langlais, le chanoine Revert et le R.P. Emile Martin. N’oublions pas en effet que Messiaen fut longtemps titulaire du grand orgue de l’église de la Trinité à Paris durant plus d’un demi-siècle. Parmi les autres musiciens quelque peu notables et avec lesquels il fut en relation, n’oublions pas de citer Pierre Cochereau, l’organiste de Notre-Dame de Paris, Marie-Claire Alain dont la renommée est mondiale, Maurice Duruflé, l’organiste de Saint-Etienne-du-Mont, Norbert Dufourcq, musicologue et organiste de Saint-Merry, Bernard Gavoty, critique musical bien connu sous le pseudonyme de « Clarendon », le compositeur Guy de Lioncourt, Marcel Dupré, Jean Guillou, etc… Il entretint aussi d’étroites relations avec la famille de Fauré, Mme Emmanuel Fauré-Frémiet, sa belle-fille.

Votre père a fait pas mal d’enregistrements discographiques, qui, aujourd’hui, demeurent largement absents des catalogues.

Effectivement, il a son actif plusieurs enregistrements parmi lesquels il faut noter le Requiem de Gounod en première mondiale, récompensé par un Orphée d’or du Grand prix international du disque lyrique (Arion, ARN 38443), le Te Deum et la Messe Chorale du même compositeur (ARN 38630), le Laudate Dominum (sur le Printemps de Vivaldi) de Michel Corrette et les Mystères de Notre Seigneur Jésus Christ de Henri Desmarets, direction : Guy Cornut (Erato STU 70914) et pour le label Le Chant du Monde une trentaine de chansons harmonisées pour l’Histoire de France par les chansons (1957) de Pierre Barbier et France Vernillat, dont Régine Deforges signalait il y a quelques années encore tout l’intérêt historique (LDY 4103 à 4111). L’enregistrement de ses Complies et l’Office de Prime, en 1993 (BNL/Auvidis 112853) fut à nouveau récompensé par un Orphée d’or du Grand prix international du disque lyrique. Si certains de ces disques sont épuisés, d’autres figurent toujours au catalogue des labels concernés, entre autres les deux enregistrements de Gounod chez Arion-Music.

Votre père était également musicologue et il s’est même intéressé à la musique baroque lorsque celle-là n’était pas vraiment à la mode…

Exactement, bien avant la mode des baroqueux, dès le début des années 1950 il s’est intéressé à la musique ancienne, et, avec la collaboration de son épouse il restitue et réalise plusieurs œuvres des XVIIe et XVIIIe siècles à partir de manuscrits ou d’éditions anciennes conservés à la Bibliothèque Nationale, notamment de Campra : Pange Lingua, soli, chœur à 5 voix mixtes, orgue, orchestre (1953, Procure du Clergé) ; De Profundis, psaume CXXIX, soli, chœur, orgue et orchestre (c. 1962, Procure du Clergé) ; Adducentur regi virgines (extrait du Psaume 44 « Eructavit cor meum »), soli, chœur, orgue et orchestre (1954, Procure du Clergé) ; Quam dilecta , chœur à 3 voix mixtes, orgue et cordes (1963, Procure du Clergé) ; Messe « Ad majorem Dei Gloriam », 4 voix mixtes a capella (1952, Procure du Clergé/Editions musicales Charles Huguenin & Pro-Arte), de Louis Nicolas Clérambault : Germinavit radix jesse, motet à la Sainte Vierge pour 2 voix égales pour orgue et violoncelle (1954, Procure du Clergé), de Michel Corrette : Psaume « Laudate Dominum » sur le Printemps de Vivaldi, solo, chœur, orchestre,(1966, Costallat/Leduc) de Henry Desmarets, (attribution incertaine) : Les Mystères de Notre Seigneur Jésus Christ, oratorio en 5 parties pour soli, chœur à 4 voix mixtes, orchestre et orgue (1953, Procure du Clergé/Leduc), de Georges Frédéric Haendel : Gloire à ton nom, divin roi. Alleluia ! (chœur extrait de l’Anthem XIII) et Anges de Dieu, louez le Seigneur (idem), chœur, orgue, cordes, trompette (1956, Procure du Clergé) et de Bernardo Sabadini : Ave verum, chœur à 4 voix mixtes et orgue (1951, Éditions F.X. Le Roux) qui ont été éditées et certaines enregistrées (Studio SM, Erato).

Dans un article sur l’Interprétation rédigé en 1990, abordant le sujet de la mode des baroqueux Joachim Havard de la Montagne écrit : « On en arrive à une évidence primordiale : la recherche de la vérité historique sur le plan de la technique et de l’interprétation ne suffit pas ; il faut être soi-même imprégné de ces textes religieux, les avoir chantés dans la liturgie, croire à cette liturgie sacrée comme l’expression de la Foi, avoir pratiqué les fonctions de Cantor, de Maître de Chapelle, de « Kapellmeister ». […] précisant que parfois cela manque de grandeur, d’émotion, d’éclat, de sentiment pour laisser place à « une musique étriquée, avec une respiration haletante, un phrasé automatique, des ornements sans grâce. »

Comment définiriez-vous la musique de votre père ?

On a parfois dit que certaines de ses œuvres sont marquées par l’école de la musique française avec des accents de Debussy ou de Florent Schmidt voire de Dutilleux ; les couleurs sont vives, impressionnistes, les accents toujours maîtrisés. D’autres y voient comme une synthèse de Fauré-Debussy-Ravel. Lui-même d’ailleurs disait qu’en matière d’écriture ce furent les professeurs de l’Ecole César Franck qui probablement l’ont marqué : « ces excellents musiciens tels que Guy de Lioncourt, Marcel Labey étaient les héritiers de Vincent d’Indy et les plus grands admirateurs de César Franck. Sans doute m’ont-ils influencé pour une certaine rigueur, dans l’essence religieuse de toute musique, dans l’art de s’inspirer du chant grégorien. »

Parmi les musiciens auxquels il est le plus attaché, il y a évidemment Jean-Sébastien Bach, ensuite Mendelssohn (avec ses Psaumes et ses Oratorios extraordinaires), Saint-Saëns, Fauré, Ravel, Honegger, Rachmaninov. Il n’est guère étonnant alors qu’une bonne partie de ses compositions reflète des sentiments d’intimité et de profondeur qui sont l’effet de la beauté des thèmes et des harmonies de caractère modal : « A propos de l’inspiration grégorienne, disait-il, j’aime beaucoup écrire de la musique modale plus encore que la musique tonale. J’estime que cette forme d’expression n’a pas été souvent exploitée ; elle permet des développements riches et abondants et touche énormément l’auditeur. Je suis en pleine contradiction vis à vis de certains auteurs de musique concrète, sérielle, d’avant-garde, qui pensent que tout a déjà été écrit en musique et que l’assemblage de bruits divers et variés, souvent agressifs, doit dorénavant remplacer la musique procurant des sons agréables à l’oreille ! »

Parlez-nous des compositions qui figurent sur le disque du Palais des Dégustateurs, Les Complies et l’Office de Prime.

Tout d’abord, laissons un instant la parole au compositeur qui s’exprimait ainsi en 1994 lors d’un entretien : « Puisqu’il est question des Complies et de l’Office de Prime, je peux avouer que ces deux œuvres sont celles auxquelles je demeure le plus attaché; ceci pour plusieurs raisons : la dimension et la durée de chacune d’entre elles, les effectifs importants qu’elles nécessitent, l’enregistrement qui en a été fait, le prix du disque qu’elles m’ont valu et surtout le souvenir de l’inspiration apportée par ces textes soigneusement choisis, comme le sentiment d’être parvenu à pleinement m’exprimer. La réalisation des Complies m’a été en quelque sorte indispensable sur le plan affectif dans la recherche de l’apaisement. Dix ans plus tard, la création de l’Office de Prime m’apporte, comme un complément, la même satisfaction dans le besoin de m’exprimer. Bien entendu, les textes choisis sont le point de départ de l’inspiration. Mon grand souci est de parvenir à lier étroitement l’expressivité des thèmes, de l’harmonie, de l’instrumentation au sens profond des paroles et à l’évocation des dédicataires. »

L’Office des Complies est à la fois la prière du soir dans la paix du crépuscule et l’abandon de soi entre les mains de Dieu pour le sommeil de la nuit. Dans quelques textes de cet office si poétique, le sommeil est comparé au repos éternel auprès du Rédempteur : ainsi peut s’exprimer le désir d’aspirer à ce repos éternel qui sera bienfaisant puisqu’il nous fera retrouver ceux qui déjà nous ont quittés et qui nous manquent ici-bas

Le compositeur a volontairement mêlé textes latins et textes français afin de conserver, par le latin, le caractère sacré de ces textes liturgiques tout en donnant à l’œuvre, grâce à la traduction française des psaumes, un aspect plus intime. Il fait aussi une large place au chant grégorien de cet office dont il s’inspire à plusieurs reprises.

Joachim Havard de la Montagne a écrit cette œuvre en 1981 pour sa femme, décédée l’année précédente, dans son souvenir et dans sa « présence » ; dédiée aux Chœurs, aux Solistes et à l’Ensemble Instrumental de La Madeleine, elle est comme un écrin construit autour du thème formé par les notes correspondant aux lettres ELISABETH, thème qui réapparaît donc à plusieurs reprises.

Ne recherchant pas à priori l’originalité, encore moins le « nouveau » à tout prix, l’auteur n’a fait que traduire du fond du cœur, par une musique avant tout sincère, le sens et l’expression de ces textes, comme l’émotion qu’ils inspirent ; il a voulu évoquer le soir d’une vie partagée, elle-même baignée dans la musique, mais trop tôt interrompue et le mystère de la vie éternelle qui doit, un jour, réunir auprès de Dieu ceux qui s’aiment mais que la mort a séparés.

L’œuvre comporte plusieurs parties qui s’enchaînent, selon le déroulement de l’office liturgique :

Evocation de la tombée du jour (orchestre)

Invitatoire et bénédiction

Deus in adjutorium… (comme au début de chaque office)

L’Antienne et les trois Psaumes (4,90,133)

Hymne du soir

Répons bref : In manus tuas

Salva nos… et « Cantique de Simeon« .

Quant à l’Office de Prime (1991), cette œuvre constitue une suite des Complies et comme un accomplissement. C’est la prière du matin, après le repos de la nuit, le premier office chanté par les moines dès le lever du jour et le réveil. Mais le lever du jour évoque aussi la naissance, la vie et l’espérance. C’est pourquoi le thème central, revenant par trois fois dans l’œuvre, est formé cette fois par les notes correspondant aux lettres B.D.C.V.G.S., initiales des prénoms des enfants du compositeur.

Comme dans les Complies, les textes latins et français sont utilisés dans le même dessein et le chant grégorien occupe la même importance. Par ailleurs, le déroulement normal et liturgique de cet office fournit le plan de l’ouvrage :

Evocation du lever du jour

Deus in adjutoriumGloria Patri (comme dans chaque office liturgique)

Hymne du matin

Les trois Psaumes : Ps. 117, Ps. 92, Ps. 53

Répons bref Christe Fili Dei vivi, miserere nobis

Benedicamus Domino, Deo gratias.

Pour souligner cette continuité entre les Complies et l’Office de Prime, on y retrouve, avec le chœur et les trois solistes, la même formation orchestrale, à laquelle s’ajoute cette fois la harpe, c’est-à-dire les cordes, flûte, hautbois, basson, trois cors, timbales et l’orgue. Une nouvelle fois, Joachim Havard de la Montagne, dans les mêmes dispositions et avec le même langage a voulu évoquer l’espérance, la confiance, le mystère de la vie comme les consolations et les joies que Dieu nous réserve. Tâche facilitée par la perspective d’en confier la création et les premières auditions à ses amis solistes, à ses amis des Chœurs et de l’Ensemble Instrumental de La Madeleine pour célébrer en union avec celle qui en fut la cofondatrice leur vingtième anniversaire en novembre 1991.

En 1994, commentant ces deux œuvres, le musicologue François Sabatier écrivait : « […] Ainsi la musique de Joachim Havard de la Montagne répond-elle aux exigences d’une musique d’église accessible à tous et, dans un esprit très français de la couleur et un langage issu de celui de Fauré, se range dans un néo-impressionnisme expressif et grégorianisant. Comme chez Duruflé, l’orgue se combine avec élégance aux sonorités de l’orchestre, jette ses feux embrasés ou installe des atmosphères éthérées, comme au début de l’Office de prime où il se mêle à la harpe avec une douceur angélique. »

La réédition de ces deux œuvres, à l’excellente initiative d’Eric Rouyer, directeur du label Le Palais des Dégustateurs, célèbre ainsi cette année 2023 à la fois le trentième anniversaire de leur enregistrement et le vingtième anniversaire de la disparition du compositeur. Nous lui en sommes extrêmement reconnaissant.

Article original sur le site Pizzicato : https://www.pizzicato.lu/organist-choir-and-orchestra-conductor-maitre-de-chapelle-and-composer-the-incredible-richness-of-joachim-havard-de-la-montagnes-life/