Dans ce numéro de Fanfare , je passe en revue un superbe disque paru aux éditions Le Palais des Dégustateurs (PDD007), reprenant des complétions par Robert Levin de fragments de Mozart pour piano et violon. En digne compagnon, PDD nous apporte également l’achèvement par Levin des trois mouvements de Mozart pour trio avec piano, K 442, associé à une œuvre de Mozart achevée, le trio avec piano en sol, K 496. Toutes les achèvements de Levin reçoivent leurs enregistrements en première mondiale sur le deux disques. K 442 comprend une série de trois mouvements incomplets sur lesquels Mozart a travaillé à différentes périodes des années 1780. Après la mort de Mozart, son ami et élève, l’abbé Maximilian Stadler, acheva les trois mouvements et les publia en Trio en ré mineur. Le premier mouvement est une sonate de la forme Allegrodans la clé d’accueil. Le second est un menuet en sol majeur (Mozart a peut-être initialement prévu que ce mouvement serve de finale au K 496 Trio). L’ Allegro final , en ré majeur, est un autre mouvement de forme sonate, basé sur un motif de cor de chasse (et probablement façonné pour ouvrir un trio à plusieurs mouvements).
Pour vous donner une idée du travail nécessaire pour compléter les fragments de Mozart, voici une liste des trois mouvements, ainsi qu’un rapport entre les mesures composées par Mozart et les mesures du mouvement dans sa totalité tel que complété par Stadler : I. 55/230, II. 151/248, III. 133/228. L’achèvement de ces trois mouvements par Stadler me semble idiomatique et selon ses propres termes, une occasion bienvenue d’entendre les concepts de Mozart réalisés sous une forme complète. En revanche, Stadler compte beaucoup sur la répétition de certaines séquences (on pourrait être tenté de l’appeler « note-spinning »), en particulier dans le premier mouvement. L’achèvement de Levin me semble beaucoup plus riche et plus varié dans son concept. Contrairement à Stadler, Levin conclut le premier mouvement de K 442 dans la tonalité mineure, ce qui semble plus conforme à la façon dont Mozart l’aurait abordé.
L’éminent trio d’interprètes – le pianiste Robert Levin, la violoniste Hilary Hahn et le violoncelliste Alain Meunier – interprète les deux œuvres avec une grande distinction. Je ne sais pas combien de fois ces trois artistes se sont produits ensemble en concert, mais le travail d’ensemble est d’une beauté saisissante en termes de qualité tonale, d’équilibre exquis entre les voix et de singularité dans le phrasé musical. Comme dans le cas du disque pour piano et violon Mozart/Levin, le son enregistré est superbe. L’attachant essai biographique de Pierre Carrive sur Mozart réapparaît dans ce disque, en traduction française et anglaise. Carrive fournit également des notes de programme sur les deux œuvres de Mozart et des biographies des musiciens participants. Tout au long de sa brillante carrière, Robert Levin a conjugué ses talents de musicologue, compositeur, et pianiste pour nous donner une meilleure compréhension et appréciation de Mozart. Cet enregistrement est encore une autre des précieuses contributions de Levin à cette cause.
Hautement recommandé.
Cet article a été initialement publié dans le numéro 43: 6 (juillet/août 2020) de Fanfare Magazine.