JOHANNES BRAHMS (1833-1897) ****
Le Brahms de Boris Berman est aussi profond et complexe que les cycles de variations de cet album consacré au monde secret du compositeur. En ouverture, les solennels Thème et variations tirés du Sextuor à cordes no 1 évoquent la puissance et la gravité si souvent associées au compositeur, le regard symphonique du pianiste soulignant la densité des pages qu’il traverse avec retenue et aussi une certaine massivité. Puis vient l’envoûtement de l’opus 21, Variations sur un thème original, constitué d’un premier cycle teinté de brume et de mélancolie et d’un deuxième traduisant la fièvre de son jeune auteur. Si le pianiste russe nourrit un jeu particulièrement riche en graves, transformant son piano en orchestre, il sait aussi donner une lisibilité aux œuvres, qu’il sculpte avec clarté et intégrité.
La Chaconne pour main gauche repose, elle aussi, sur une sobriété qui se distingue du chant de Fleisher ou de la fougue de Michelangeli. Nous ne sommes jamais loin de l’orchestre dont la résonance est omniprésente, étoffant les mélodies sinueuses de la Chaconne que l’interprète construit telle une cathédrale, impressionnante et digne. Dans cette approche qui veut préserver l’intériorité des œuvres, ne cherchant ni la fantaisie ni la légèreté, le visage de Brahms s’avère tout aussi lumineux.
MELISSA KHONG
Variations, op. 18 et op. 21. Chaconne pour main gauche. Allegro con espressione — Boris Berman (piano) — LE PALAIS DES DÉGUSTATEURS PDD027. 2021. 56 MIN