Crescendo : Carlos Païta, l’incandescence de la direction

Carlos Païta, l’incandescence de la direction

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Modeste Moussorgski (1839-1881) :  Tableaux d”une exposition (orchestration de Maurice Ravel) ; Hector Berlioz (1803-1869) : Symphonie fantastique, op.14. National Philharmonic Orchestra (Moussorgski), London Symphony Orchestra, direction : Carlos Païta. 1978-1981. Livret en français et anglais. 78’41. Palais des dégustateurs.PDD 039.

Venant après une première série de deux parutions consacrées à l’Immense Carlos Païta, le Palais des Dégustateurs nous propose pour cette fin d’année, le retour de l’un des enregistrements les plus connus de Carlos Païta : la Symphonie fantastique de Berlioz avec le London Symphony Orchestra. En 1978, cet enregistrement avait fait sensation obtenant un Prix de l’Académie Charles Cros. Il faut dire que cette Fantastique ne laisse pas indifférent et c’est le moins que l’on puisse dire ! Le ton est romantique, échevelé et même sous hallucinogène. Dès les premières mesures de “Rêveries, passions”, l’auditeur est subjugué par une folle urgence et une énergie electrisante ! Le « Bal » s’emporte et devient démesuré, se précipitant vers l’abîme alors que la « Scène aux champs » est marquée par une force dense et noire ! Bien évidemment les deux derniers mouvements nous conduisent au supplice puis vers un cataclysme instrumental et final foncièrement cauchemardesque. Le LSO qui connaît son Berlioz, est galvanisé par cette direction unilatérale et sans compromis. La direction du chef cerne tant la narration que les qualités révolutionnaires de l’écriture du compositeur. Cette interprétation, foncièrement légendaire, est sans doute la seule à se hisser au niveau de celles du grand Charles Munch. La prise de son est un peu mate et sèche, mais cette optique sert particulièrement la lecture du chef, renforçant sa noirceur rauque et acide.

Changement de décor avec les Tableaux d”une exposition dans l’orchestration de Maurice Ravel, pour l’une des lectures les moins picturales de la partition. Pas de recherche des timbres ou d’une couleur pittoresque russe, mais une interprétation minérale qui se joue des masses orchestrales et des timbres du National Philharmonic Orchestra. C’est brut, granitique, magmatique souvent alors que le travail du chef sur les contrastes entre les dix tableaux lui permet de jouer de son orchestre, parfois rapidement, parfois plus lentement. C’est évidemment une lecture qui sort de l’ordinaire malgré un orchestre, certes de grande qualité, mais plus neutre et moins engagé que le LSO dans Berlioz. On peut ne pas aimer cette interprétation qui se cherche dans une voie personnelle et médiane dans une une discographie bardée de références, mais la vision, assumée de bout en bout, convaincra les amateurs de direction d’orchestre ! Ici aussi, la prise de son plutôt mate et globale fait ressortir les caractéristiques précédemment exposées de la vision de Carlors Païta. 

Tout fan de direction d’orchestre se doit d’avoir cette galette dans sa discothèque !  C’est également, actuellement la meilleure porte d’entrée pour apprivoiser l’art unique et magique de Carlos Païta ! 

Note globale : 10

Pierre-Jean Tribot

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