Deux maîtres français, Ropartz et Magnard, reçoivent une engageante lecture de deux Sonates pour violoncelle et piano.
Le Breton Guy Ropartz, élève de Massenet et Théodore Dubois au Conservatoire de Paris, travaille l’orgue et la composition auprès de César Franck qui en laissera des traces esthétiques dans ses œuvres à venir. Il exercera à Nancy et Strasbourg avant de se retirer dans les Côtes-d’Armor à Lanloup-Plouha.
Sa Sonate pour violoncelle et piano n° 2 élaborée en 1918 délivre avec ses trois mouvements lents un discours où se mêlent sans excès, un lyrisme et une méditation maîtrisés et non ostentatoires. Ces pages ne contiennent pas de rappels de la musique bretonne, hormis dans le dernier mouvement, arguant d’une certaine pondération discrètement aride, mais non dénuée d’attraits et d’élégance.
Albéric Magnard qui sera abattu chez lui par des soldats allemands au début de la Première Guerre mondiale, fut lui aussi étudiant au Conservatoire de la capitale française (avec Dubois et Massenet, puis Vincent d’Indy). Influencé par Wagner, son œuvre n’en conserva pas moins un souffle français personnel et puissant. Socialement engagé et peu enclin à négocier ses choix, son œuvre fut en partie détruite au moment de sa mort. Ses compositions étant en partie reconstituées par son ami Guy Ropartz.
Sa Sonate pour violoncelle et piano écrite en 1909-1910, donnée en première audition à la Société Nationale le 25 février 1911, impressionne par sa détermination rythmique et sa vigueur, en particulier dans trois de ses quatre mouvements notés respectivement Sans lenteur, Scherzo et Rondement. L’émouvant Funèbre s’impose par son intensité, ses phrases longues et prenantes et son climat triste soudain bousculé par une marche décidée.
Si une belle et réelle amitié reliait Magnard et Ropartz, leurs compositions révèlent une écriture bien distincte mais égale en panache et miroitement comme le démontre l’interprétation de premier plan du violoncelliste Alain Meunier et de la pianiste Anne Le Bozec. Le premier brille par sa maîtrise instrumentale certes mais plus encore par la netteté de ses lignes mélodiques et par le timbre flatteur de son instrument. La seconde assure sans faille un rôle primordial qui est bien davantage qu’un simple accompagnement. Son phrasé délicat dans le Lent et calme (Ropartz), sa vélocité dans l’Allegro zingarese et son intensité nostalgique dans le Funèbre (Magnard) font merveille tout comme, de part en part, sa cohérence interprétative de premier plan. Leur lecture complice, fidèle et généreuse les place parmi les plus accomplies de la discographie et légitime une position de choix dans ce registre précieux qui reste encore trop confidentiel. Le texte de présentation de notre collègue Stéphane Friédérich positionne parfaitement les compositeurs, les œuvres retenues et leurs places dans leur époque.
Guy Ropartz (1864-1955) : Sonate pour violoncelle et piano n° 2 en la mineur. Albéric Magnard (1865-1914) : Sonate pour violoncelle et piano op. 20 en la majeur. Alain Meunier, violoncelle ; Anne Le Bozec, piano. 1 CD Le Palais des Dégustateurs. Enregistré du 13 au 15 juin 2021 au Couvent des Jacobins de la Maison Louis Jadot, Beaune. Notice bilingue : français et anglais. Durée : 50:38