Mundoclasico.com : Brahms íntimo

Maruxa Baliñas
lunes, 23 de mayo de 2022

Ce n’est pas le bon moment pour enregistrer des disques, et pourtant les disques continuent de sortir, non seulement pour faire connaître de nouvelles œuvres, mais aussi pour revoir des répertoires qui, non parce qu’ils ont déjà de nombreuses versions sur le marché, ne sont plus intéressants. C’est le cas de ce disque de petites pièces pour piano de Johannes Brahms (1833-1897) interprétées par Boris Berman.

Il s’agit d’un double disque qui regroupe toutes les courtes pièces pour piano que Brahms a composées à partir de 1878, lorsque – selon le livret du disque, uniquement en français et en anglais, mais assez volumineux – le piano avait cessé d’être sa mode. vivre et se faire un nom. Si au début de sa carrière les oeuvres pour piano de Brahms sont souvent de « grandes oeuvres » telles que des sonates (1852-3) ou des groupes de variations (1854-68), ainsi que quelques oeuvres de circonstance et les Ballades op 10 (1854), A partir de années 1860, après avoir triomphé avec deux de ses plus grands succès commerciaux – les Valses op 39 (1865) et les Danses hongroises (1858-68) – Brahms est désormais libre de composer ce qu’il veut et, de fait, il abandonne tout à fait la composition de œuvres pour piano.

Mais en deux temps, il revient au piano avec des œuvres plus intimistes que virtuoses (ce qui ne veut pas dire simples) : en 1878-79, coïncidant avec une période de succès nationaux et internationaux, il écrit les Huit Pièces pour piano op 76 et les Rhapsodies pour piano op 79 ; et dans les derniers mois de sa vie, dans cette merveilleuse floraison de créativité de 1892-93, il publia quatre autres cahiers de caprices, de fantaisies, d’intermèdes, etc., les Sept fantaisies op 116 ; les Trois intermezzi op 117; les Six Pièces pour piano op 118; et les Quatre pièces pour piano op 119, adorées par presque tous les pianistes, mais pas toujours faciles à entendre en concert précisément parce que ce sont des moments délicieux, plutôt que des show-off comme ceux attendus lors d’un concert de piano solo.

C’est pourquoi il est inévitable de commencer par un merci à Boris Berman pour avoir sorti cet album, qui n’est peut-être pas destiné à être écouté en continu pendant les plus de deux heures d’enregistrement, mais plutôt à petites doses. Comme le dit le proverbe : « Un bon parfum se vend dans un petit flacon » et il y a plein de parfums agréables dans ces ouvrages. Même si je dois dire que – bien que j’aie recommandé l’album « à petites doses » – Berman semble concevoir l’ensemble comme un tout, en reliant les œuvres au sein d’un discours cohérent.

Sans aucun doute, la grande pertinence de l’album réside dans le fait que Boris Berman envisage toutes ces œuvres comme une unité, ce qui lui permet d’établir des interrelations entre les différents numéros, des références croisées et -surtout- une conception universelle lumineuse et puissante. Ainsi conçu, ce groupe apparaît comme une « œuvre majeure » dans le catalogue de Brahms.

A titre tout à fait personnel, je soulignerais la Rhapsodie pour piano n° 2 de l’op 79, d’une netteté et d’une directivité claire qui n’empêche pas l’effusivité ; ou Rhapsodie pour piano n° 1, également de l’op 79 où Berman joue peut-être plus lentement que d’habitude, très peu soucieux de l’étalage virtuose, ce qui donne à cette Rhapsodie une intimité captivante.

Dans l’Intermezzo en mi majeur op 116 n° 4, la retenue de Berman, laissant la musique se dérouler d’elle-même, a attiré mon attention. Et ce confinement contraste avec l’interprétation de l’Intermezzo en si bémol mineur op 117 nº 2 qui se déroule dans une sorte de rêverie où les émotions semblent couler librement. Dans la Ballade en sol mineur op 118 n° 3, Berman rend visible et même renforce son caractère comme un hommage sincère et réfléchi à Chopin, réussissant à interpréter la perspective de Brahms sur Chopin.

Dans la Rhapsodie en mi bémol majeur (Allegro risoluto) op 119 n° , surtout la plus institutionnelle, qui, comme on le sait aujourd’hui, s’est trompée en attribuant ce « déséquilibre » de la Rhapsodie à la solitude vitale de Brahms, qui en 1884 était un être aussi profondément amoureux qu’excité par les nouvelles perspectives esthétiques, mais aussi éthiques, ouvertes par les symbolismes et les nouvelles voies des paradis artificiels.

Car on a du mal à croire, après avoir écouté ce disque, que la police impériale viennoise considérerait ces petits morceaux comme subversifs et que Brahms aurait des problèmes politiques pour eux. Bien sûr, lorsque les dirigeants insistent, tout est suspect et la Vienne de l’empereur François-Joseph n’était pas du tout un endroit agréable.