Classica – octobre 2020

ALBÉRIC MAGNARD
(1865-1914)
*****
Quatuor à cordes + Debussy : Quatuor à cordes

Quatuor Béla
Le Palais des Dégustateurs PDD022.
2019. 1 h 07

« Je m’emmerde sur mon quatuor, je m’emmerde ! Je ne sais pas assez pour écrire une oeuvre de ce genre », rapportait Albéric Magnard à son ami Guy Ropartz au tout début du XXe siècle. La composition de cette oeuvre régulièrement qualifiée d’austère lui demanda tant d’efforts qu’il en sortit dans un état de dépression. Est-ce pour cette raison que les rares versions enregistrées jusqu’ici semblent en exprimer plus particulièrement l’urgence et les tourments, tant chez les Via Nova (Erato, 1985) que chez les Artis (Accord, 1986) et les Ysaÿe (Æon, 2004) ? À l’opposé, les Béla entrent dans cette page de musique à pas feutrés. Leurs archets chaleureux arrondissent l’intellectualité du texte, irriguent chaque mesure et, bien que gorgés de sève, s’emploient à contenir les extrêmes : voilà Magnard inédit, dans toute son intimité, dans toute sa tendresse. Tout l’intérêt de ce programme pourrait tenir dans cet éclairage particulier du Quatuor de Magnard, tel qu’il ne s’était jamais donné à entendre. Mais les Béla y adjoignent un Debussy émouvant, caressé de mystère, dessiné en estompe, qui sous l’abat-jour dévoile ici sa douce poésie. Cette nouvelle version vient prendre sa place dans une discographie de haut vol enregistrée notamment par les Quatuors français – pensons aux Modigliani (Mirare), soyeux et pudiques, ou aux Hermès (La Dolce Volta, CHOC Classica n° 200), iridescents et fluides.

Fabienne Bouvet

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